[MISSION BIOSPHERE] Semaine 16
Le 20 février 2018, Nomade des Mers a lancé la phase 2 de son exploration low-tech : La Mission Biosphère, ou 4 mois en autonomie grâce aux low-tech. Chaque semaine, Corentin nous partage son journal de bord
JOUR 102
J’ai fabriqué une lampe portable que je recharge en journée sur la minuterie et utilise le soir et le matin. Elle n’est faite que d’une seule cellule Li-Ion récupérée dans une vieille batterie d’ordinateur, pourtant elle a une excellente autonomie. Par contre il reste un peu de travail de design pour la rendre plus ergonomique et esthétique. On dirait une bombe artisanale.
Je continue mes promenades réflexions sur la plage. Il reste si peu de temps avant la fin de l’expérience que je me concentre pour ne pas être dans l’attente et compter les jours qui restent, mais au contraire à profiter de cette dernière phase pour achever les tests sur les low-tech et avancer sur tous les sujets de réflexions que j’ai ouverts.
JOUR 103
C’est décidé ! Je vais enlever certaines amarantes du système d’hydroponie. Elles prennent beaucoup de place alors qu’elles ne produisent quasiment pas de nouvelles feuilles. Et les invasions d’araignées rouges et chenilles me demandent beaucoup de temps. Et puis ce n’est pas bon pour le moral de voir des plantes mourantes. J’ai mal géré le tuilage car je n’ai pas de jeunes pousses suffisamment développées pour les remplacer.
Cette semaine, j’ai prévu de construire quelques low-tech comme la douche-vaporisateur et l’extincteur. Je vais aussi filmer des tutos pour présenter l’utilisation des low-tech principales.
JOUR 104
Les mouches ont pratiquement disparu. Par contre les moustiques ont pris le pouvoir. On ne circule plus librement sur la plateforme. Comme une mafia bien organisée ils viennent prélever leur part à toute heure du jour ou de la nuit. Particulièrement la nuit, sortir de la moustiquaire implique de donner son sang. Les toiles d’ombrage destinées à les empêcher de pondre dans les réservoirs de l’hydroponie n’ont eu aucun effet. Il me faut un nouveau plan.
Il y a quelques jours des braises sont tombées du fond du réchaud et ont traversé le bac en plastique qui lui sert de support. Elles ont commencé à brûler les bambous du plancher. L’odeur de plastique brûlé m’a alerté à temps. Je me suis lancé dans la fabrication d’un extincteur low-tech. À quelques jours de la fin, cela peut paraître tardif. Recette : verser de l’eau, du vinaigre et du produit vaisselle dans une bouteille en plastique. Insérer dans le goulot un sac plastique rempli de bicarbonate de soude. Enfoncer un clou à travers le bouchon. En cas d’incendie il faut taper sur le clou avec la paume de la main. Il perce alors le sac, libère le bicarbonate, qui se mélange avec le vinaigre, l’eau et le liquide vaisselle, provoque une réaction brutale produisant une mousse qui sort sous pression par un trou percé dans la partie haute de la bouteille. Cette mousse peut éteindre un feu de type A ou B (un feu d’huile par exemple, sur lequel il ne faut pas verser d’eau).
Il pourra aussi paraître tardif de réaliser une douche à quelques jours de la fin. J’ai utilisé un spray vissé sur une bouteille de soda de 1,5 litres. Une ficelle reliée à une pédale permet de l’actionner avec le pied. C’est idéal pour économiser l’eau. Un demi litre d’eau suffit pour une douche complète. Idéal aussi pour se laver les mains.
Un premier champignon commence à sortir de l’un des bocaux de mycélium que j’ai moi-même cloné. Je suis fier d’avoir bouclé la boucle.
JOUR 105
Hier et aujourd’hui, il y a eu de fortes pluies. La mousson est bien installée. Le vent vient maintenant en permanence de l’ouest. Problèmes : avec la couverture nuageuse les panneaux solaires ne chargent plus, donc je ne peux pas utiliser l’ordinateur pour enregistrer les données et je dois passer du temps à pédaler pour alimenter les différents systèmes. Les plantes et la spiruline poussent moins vite car leur photosynthèse tourne au ralenti. De la moisissure se développe dans mes stocks de grillons et de maïs.
Ce matin pendant une grosse pluie un paquet d’eau s’est formé sur la bâche qui surplombe le dessalinisateur. Cette bâche n’était pas assez tendue. Ses attaches ont fini par lâcher. Toute l’eau accumulée est tombée violemment sur le réflecteur babord. Il s’est cassé en plusieurs morceaux. Encore un drame pour le dessalinisateur. De toute façon, je pense ne plus pouvoir arriver au bout de mes tests car les journées sont trop nuageuses.
Enervé par les chenilles qui continuent à manger les feuilles, j’ai décidé de regarder sur internet s’il y a des produits, réalisables avec les moyens du bord, pour les éliminer. J’ai trouvé un site qui propose l’”astuce” de mélanger vinaigre et eau en quantités équivalentes et pulvériser cette solution sur les plantes. La méthode m’a paru idéale car j’ai du vinaigre blanc (il me sert pour faire un jus de rouille pour la spiruline). J’ai donc vaporisé abondamment les amarantes et les choux chinois, qui sont les plus touchées. Après quelques heures, j’ai compris que j’avais fait une grosse erreur. Les feuilles devenaient marron foncé, molles et mourraient à une vitesse spectaculaire. Le soir, les 2 plus gros choux étaient morts, et les feuilles de morning glory les plus proches commençaient à tomber. J’ai l’impression d’avoir utilisé un glyphosate low-tech.
Les grillons sont bien omnivores. Après avoir testé la spiruline, qu’ils ont avalée très rapidement, je leur ai donné des feuilles. Ils mangent même les tiges. Je lis dans un rapport de la FAO qu’il peuvent manger des excréments humains.
Je continue le tournage des tutos sur l’utilisation des low-tech principales de la biosphère. Je pense pouvoir en filmer 15 avant la fin de l’expérience.
JOUR 106
Mauvaise nouvelle côté hydroponie. Un tiers des plantes sont mortes à cause de l’astuce anti chenilles. Les gouttes qui sont tombées sur les feuilles de morning glory et de tsoi sim ont formé des taches blanches et marron. Un bouquet de menthe et des feuilles de patates douces sont devenus entièrement marrons. Et le pire c’est que les chenilles ne sont même pas mortes. J’ai l’impression d’avoir juste assaisonné leur salade. Cet événement va plomber lourdement la poursuite de mes objectifs de production de feuilles.
J’en veux à ce site internet, et je m’en veux de l’avoir suivi. Il doit y avoir quantité de mauvaises informations sur internet. Cela renforce ma conviction qu’on trouve de bonnes et de mauvaises informations sur les low-tech sur internet et que le rôle du Low-tech Lab est de trier et mettre en avant les bonnes solutions.
Enfin le soleil revient.
Le champignon made in Biosphère s’est très bien développé. Il pèse 24g.
J’ai collecté 34g de jeunes pousses issues d’une seule boîte. C’est un record. Je mets 3,5g de graines. La masse est donc multipliée par 10. J’ai semé de nombreuses autres boîtes qui se développent très bien.
J’ai entrepris de démonter le rang de patates. C’est un peu triste mais l’espoir de récolter des patates ou des arachides s’est évanoui depuis de nombreuses semaines. Je prépare des boutures avec la menthe et les branches de patates qui y poussaient. Je compte sur elles pour remplacer les pertes sévères de l’astuce anti chenilles.
Avec les eaux stagnantes du fond de la bâche, je pense que ce rang de patates a produit plus de moustiques que de choses comestibles. Une raison de plus pour le démonter.
JOUR 107
J’ai la confirmation du lien entre des problèmes de digestion et le manque de légumes feuilles dans mon alimentation. En dessous de 50g de feuilles par jour (estimation grossière), la digestion devient difficile. En ce moment à cause de mes soucis de culture, je joue avec cette ligne. Mes 2,8m2 de culture de légumes feuilles seraient amplement suffisant si j’avais un peu plus d’expérience. Particulièrement s’il n’y avait pas ces attaques de chenilles et si je gérais mieux la rotation avec la nursery. J’aurais du créer un système d’hydroponie de 4m2 pour avoir une marge.
Je sème 2 barquettes : morning glory, chinese cabbage et chinese mustard. Je n’aurai sans doute pas le temps de les repiquer, mais cela me paraît important de continuer tous les cycles jusqu’à la fin.
J’ai fini de démonter le rang de patates. Cela libère un peu de place sur la plateforme.
Des feuilles continuent à mourir suite à la vaporisation de vinaigre. C’est navrant. J’arrache les amarantes et les remplace par les boutures de menthe et patates. Il y a toujours des chenilles. Je vais mieux veiller pour les éliminer manuellement avant qu’elles fassent des ravages.
Je sens la fin de la mission approcher à toute vitesse. Je commence à voir toute cette expérience avec un peu de recul et en extraire doucement la moelle. Il y a des choses qui me manquent mais je me sens heureux. Se sentir heureux avec le minimum, c’est la garantie qu’on pourra toujours l’être quelque soit le contexte. Comme un joueur de poker joue mieux quand il est prêt à tout perdre. Je le sais, cette expérience va me donner de la force.
JOUR 108
L’arrivée de Laurent, le réalisateur, approche. Je commence à “esthétiser” la Biosphère. Il faut que chaque low-tech donne envie d’être utilisée, et que le tout ressemble à une base spatiale martienne montée par la NASA des low-tech, plutôt qu’à un bidonville.
Il y a du travail.
Les descendants des grillons de la bigbox1 sont nés. Je suis satisfait de la densité. Je ne les verrai pas grandir jusqu’au bout, mais je suis satisfait de voir cette quatrième génération.
Ma masse corporelle a légèrement diminué au début, puis augmenté progressivement. J’ai pris 0,9kg entre le jour 1 et le jour 109. La composition (graisse, muscles, etc.) reste quasiment inchangée. Sur toute la période, il n’y a eu aucun fait marquant en ce qui concerne ma santé. J’ai consommé en moyenne 2,2 litres par jour (eau de cuisson et eau bue directement).
SEMAINE PROCHAINE
J’ai quasiment terminé de tester toutes les low-tech de la liste. Reste le froid : zeer pot et module peltier ainsi que le plastic bottle cutter. Je devrais avoir le temps de les étudier courant de semaine prochaine.