[MISSION BIOSPHERE] Semaine 13
Le 20 février 2018, Nomade des Mers a lancé la phase 2 de son exploration low-tech : La Mission Biosphère, ou 4 mois en autonomie grâce aux low-tech. Chaque semaine, Corentin nous partage son journal de bord.
JOUR 81
Je recommence ma technique d’affaiblissement des araignées rouges en les épuisant. Je constate qu’il y a de moins en moins de toiles. Je gagne du terrain. Déjà certaines plantes reprennent des couleurs. Par contre, certaines ne s’en sortiront pas. Les feuilles sont flétries, jaunes et craquantes comme des chips. Je les remplacerai par des choux chinois et tsoi sim de la nursery, qui attendent d’entrer dans la cour des grands.
Nouvelle sortie avec Canard sur la plage.
Je fais des aller-retours pendant qu’elle observe la nature.
JOUR 82
Après tests comparatifs de la pousse des microgreens, j’ai la confirmation qu’il ne faut pas recycler le substrat sans traitement. Des pourrissements se développent très rapidement et contaminent les jeunes pousses. Si j’ai le temps, il faudra que j’essaie de rincer la fibre de coco usagée puis la stériliser au four solaire afin de tuer ces germes. Je pourrai ainsi la réutiliser plusieurs fois.
Cela fait seulement 3 semaines que j’ai fabriqué le savon, mais j’essaie quand même. Il faudrait attendre idéalement 4 ou 5 semaines. L’eau de la spiruline est adaptée pour se laver les cheveux, mais je ne la trouve pas très efficace pour la peau. Première douche avec le savon. Il est massif. Il fait le volume d’une demi noix de coco. J’utilise un spray pour mes douches. Il vaporise de fines gouttelettes, ce qui permet de me laver entièrement avec moins d’1 litre d’eau douce. Résultat : le savon mousse beaucoup et lave bien. Légère odeur de noix de coco. Sensation de propreté. Il me brule légèrement une cicatrice. Il faudra que je mesure son pH.
Les voisins partent pour des durées plus longues qu’avant. Quand je suis arrivé dans la baie, il y avait en permanence quelqu’un qui veillait sur la maison. J’espère que ce relâchement est dû à mon rôle de gardien qui les met en confiance !
La menthe du rang de patates est ce c’est ce qui pousse le plus facilement. 2 sacs en débordent. J’en ai bouturé quelques tiges dans le système d’hydroponie XXL. Elles sont bien parties. Du coup, j’en mange souvent. J’en mets dans l’eau chaude pour lui donner du goût, et je la hache finement dans la spiruline pour faire une bonne sauce.
“La menthe est l’une des plantes médicinales les plus célèbres. Elle est connue et utilisée dans le pourtour méditerranéen depuis l’Antiquité.
Elle aurait des vertus digestives, spasmolytiques, carminatives, antiseptiques, toniques et stimulantes. Elle participerait à l’équilibre digestif et améliorerait le tonus général.
La menthe verte est employée très couramment comme herbe aromatique, principalement dans les cuisines méditerranéennes, par exemple dans le thé à la menthe ou le taboulé, et asiatiques (vietnamienne) avec les nems et les salades.” Source : Wikipedia
D’après Matrix, si j’en mange 20g par jour, elle m’apportera un quart de mes besoins en fer. Mais j’ai suffisamment de fer grâce à la spiruline. Ce sera tout de même un apport de fibres nécessaires pour la digestion et d’acide folique (vitamine B9).
D’après mes premières estimations de consommation des grillons, ils auraient besoin de 3 fois leur masse en granulés de maïs pour atteindre la taille adulte. Les granulés coûtent 0.45€ le kilo, soit 1.35€ par kilo de grillons. Je me rends compte que c’est le même prix au kilo que les oeufs du marché, et à peu près les mêmes apports nutritifs. Alors est-ce que ça vaut le coup ? Oui, si je tiens compte du fait que pour atteindre ce prix si bas, les poules sont enfermées dans des cages minuscules et ne peuvent pas bouger ni voir le soleil.
JOUR 83
J’ai redressé le dessalinisateur et installé les réflecteurs. Il est maintenant situé sous la dernière section de la serre. Demain, je finirai de le préparer pour poursuivre les tests abandonnés lors de la dernière fin de crise d’eau.
Récolte record de spiruline : 173g (non pressée). Un beau cadeau d’anniversaire. Je la mélange à des cacahuètes grillées avec de l’ail, de la menthe fraîche hachée et des jeunes pousses de moutarde. Cette sauce est excellente.
Hier, j’ai nixtamalisé du maïs. Je l’ai mis avec de l’eau dans une casserole. quand l’eau s’est mise à frémir, j’ai ajouté un verre d’eau avec une cuillère à soupe de cendres. J’ai laissé bouillir pendant 5 minutes, puis reposer toute la nuit. Ce matin, le maïs était gris verdâtre et formait un bloc compact. Je l’ai rincé et frotté avec les mains. Mais la pellicule extérieure du maïs (le péricarpe), qui était censée se séparer, restait collée aux grains. Le maïs que j’utilise est concassé, destiné aux poules. Peut-être que ce n’est pas le bon type pour cette opération. J’ai tout de même continué la recette, me disant que la cuisson avait quand même sans doute permis aux vitamines B3 d’être plus assimilables. Je l’ai donc pilé pour en faire une sorte de purée très épaisse. C’est en essayant de former une première galette que j’ai compris que ces tortillas n’allaient pas ressembler à des tortillas. J’ai fini par faire des boules et les faire revenir dans un fond d’huile. Le résultat était proche des falafels. Trempé dans la sauce c’était délicieux.
Je suis allé manger les falafels et réfléchir à ma nouvelle année dans la plus belle grotte de la baie. Celle qui est cachée à 10m de haut derrière des arbres.
Je lance un test comparatif pour les microgreens : imprégner le substrat (fibre de coco) de solution nutritive Ec=0,6 avant de semer.
Un powerbank composé d’une seule cellule Lithium Ion ne suffit pas pour recharger un téléphone. Je pense que le courant est trop faible. Il faudra que j’essaie avec 2 cellules.
Depuis quelques jours, je rencontrais des bébés grillons près de la bigbox2. J’ai enfin trouvé la fuite. Ils s’échappaient à la queue leu leu par un minuscule passage dans un coin de la boîte. Les pertes sont sans doute importantes. J’ai fermé le trou avec un morceau de scotch.
Je récolte environ 50g de feuilles par jour depuis 4 jours. Mon objectif est de dépasser 100g par jour. Je suis confiant. Je regrette simplement de n’avoir planté quasiment que des plantes qui doivent être cuites. Je réfléchis à la fabrication d’une extension de 2 gouttières pour planter des choux chinois et des tsoi sim.
Le bulleur des biofiltres est capricieux. Après analyse, je découvre que le problème vient du relai de la minuterie arduino. Je le change. Le problème est résolu.
JOUR 84
Installation de la pompe qui alimentera le dessalinisateur en eau de mer. Je la branche sur la minuterie afin qu’elle s’allume 1 minute toutes les 5 minutes quand il y a du soleil. La pompe est en panne. C’est celle qui avait déjà posé problème pendant mon absence. J’installe donc le système précédent : un bidon de 20 litres perché et un siphon. Dans la soirée le bidon tombe sur un réflecteur et le casse. J’espère qu’après tous les efforts qu’il m’aura demandé ce dessalinisateur donnera de bons résultats.
Coup de fatigue. Digestion difficile des falafels ou coup de chaud ?
Le pH de mon savon est de 7,5. Il est donc utilisable.
J’ai monté un nouveau cadre pour faciliter la filtration de spiruline. C’est devenu vraiment rapide. En plus, je peux filtrer en temps masqué pendant la routine. Il faudra que je pense à étudier les synergies entre les low-tech en matière de gain de temps.
Ce matin, la spiruline a une légère odeur d’ammoniac donc je limite la récolte à 80g. Les journées sont plus nuageuses, cela doit diminuer la production.
Je pense à démarrer le 2eme bac pour augmenter les récoltes.
JOUR 85
Je suis impressionné par le pouvoir de l’urine. L’azote qu’elle contient permet à la spiruline et aux légumes de pousser et de me fournir tous les jours 40% de mes besoins en protéines, l’ensemble de mes besoins en fer, cuivre, vitamines B1 et B2 et une bonne partie pour le magnésium, le potassium, le manganèse, les vitamines C, B3 et B5. Ceci, alors que je n’exploite qu’à peine 50% de ma production d’urine quotidienne !
Les branches de certains plans de patates font de nouvelles feuilles. Le temps a été plus humide ces derniers jours. Est ce qu’elles manquaient juste d’eau? Est-ce que le substrat est trop drainant ? Ce serait vexant que la principal raison de l’échec des patates soit simplement un manque d’eau. Je vais renforcer l’arrosage.
Mystère du côté des grillons : il y a des bébés dans bigbox1. Je ne comprends pas d’où ils peuvent venir. Les grillons de cette boite ne sont pas en âge de procréer (ils ont 36 jours).
Je vois toujours beaucoup de chasseurs cueilleurs qui se baladent dans le camp. Je me rends compte que même libres, ils aiment bien aller dans des boites d’oeufs. J’ai donc empilé quelques boites avec un peu de nourriture pour les récupérer.
Je me sens un peu fatigué aux heures les plus chaudes. Peut-être à cause de la chaleur ou de l’abandon des patates. Il faut que j’expérimente de nouvelles recettes à base de maïs pour gagner en appétit.
J’ai vu un deuxième gecko. Il est plus petit et plus foncé. J’espère que ce n’est pas un couple. Je ne les ai toujours pas pris en flagrant délit dans une boite de grillons.
J’ai branché la pompe d’essuie glace à la place de la pompe cassée pour alimenter le dessalinisateur en eau de mer. Ça a l’air de fonctionner. Je vais enfin pouvoir tester sa production.
La caméra Sony de Laurent est tombée dans l’eau. Je filmais mes bricolages sur le dessalinisateur. La caméra était montée sur son trépied, posé sur les bambous de la plateforme. Mais les bambous ont bougé quand je me suis déplacé, et le tout est tombé. J’ai pu la rattrapper, mais c’était trop tard, elle était déjà remplie d’eau. Elle fait maintenant un bruit, comme si elle s’allumait, et le répète indéfiniment. Rien ne s’affiche à l’écran. Laurent est en ce moment dans la jungle au Pérou pour tourner un documentaire. Ce ne sera pas une bonne nouvelle pour son retour à la civilisation.
JOUR 86
Un gros orage a éclaté au milieu de la nuit. D’après le voisin beaucoup de bateaux ont coulé de l’autre côté de la baie. Ici, la bâche de la 2eme section de la serre s’est envolée. Du coup, il a plu très fort sur la spiruline. Une trop forte dilution de la culture peut être dangereuse. Les jeunes pousses et l’hydroponie ont été inondées. L’eau a ruisselé de la table de la nursery dans les boîtes de grillons. Le fond des boîtes était couvert d’une boue de nourriture, d’eau et de cadavres de grillons. Je pense qu’un grand nombre de bébés grillons de la Big Box 2 ont disparu. Ceux de la Big Box1 sont plus gros et ont eu le temps de monter dans les boites d’oeufs pour éviter la montée des eaux. J’ai retrouvé la bâche envolée dans les rochers. Intacte, j’ai pu la refixer. C’est inquiétant, j’espère qu’il n’y aura pas trop de coups de vents comme ca avec l’arrivée de la mousson. D’après la station météo, il y a eu des rafales à 20.9m/s (75km/h).
Le pH de la spiruline est à 12. Il devrait être à 10 et sa couleur est redevenue kaki. Selon le livre de Gilles Planchon, il faudrait lui donner plus de nourriture, mais il y a une légère odeur d’ammoniac, je n’ose donc pas augmenter les doses d’urine. Je vais ouvrir le 2eme bassin afin de faire des récoltes 1 jour sur 2 seulement. Elle aura ainsi le temps de digérer plus de nourriture. Le livre de Gilles conseille d’ajouter du bicarbonate quand le pH est trop élevé. Je vais augmenter le volume par ajouts de 20 litres, ce qui devrait avoir le même effet.
J’ai rajouté 2 gouttières en plus des 3 existantes sur le système d’hydroponie XXL. Elles sont faites de la même manière, en bâche et en bambous. J’aime bien ce système qui coûte peu cher et est facile d’entretien.
Fin de journée. Je collecte l’eau produite par le dessalinisateur. Elle est salée. Surtout pour la partie babord. Celle de tribord est très légèrement salée. Il va falloir que je continue à l’améliorer.
JOUR 87
J’ai bien travaillé sur le dessalinisateur. Je l’ai ouvert, renforcé, écarté le tissu salé qui touchait la zone d’eau douce. Puis, j’ai tout remonté. Il devrait produire de l’eau pure. J’ai installé un capteur de luminosité pour avoir le rendement en fonction de la couverture nuageuse.
Il me faudra quelques jours de beau temps pour avoir des résultats exploitables.
J’ai repiqué 28 plans de tsoi sim, choux chinois et moutarde dans les nouvelles gouttières. J’ai installé un capteur qui me permettra de suivre l’évolution du taux d’humidité dans les billes d’argile.
J’avoue avoir caché au journal des problèmes de digestion. Depuis plusieurs semaines. Ils se sont estompés depuis que je mange 50g par jour de légumes feuilles. Mon alimentation manquait sans doute de fibres.
“Les fibres alimentaires sont des substances résiduelles provenant de la paroi cellulaire ou le cytoplasme des végétaux.
Résistant à la digestion dans l’intestin, les fibres alimentaires n’ont pas de valeur nutritionnelle apparente. En fait, le rôle des fibres est important dans le transit intestinal car elles augmentent le volume du bol alimentaire et changent la consistance des selles (les rendant ainsi plus molles), grâce à leur pouvoir de rétention de l’eau, stimulent les contractions de l’intestin et favorisent l’activité bactérienne dans le côlon. Une carence en fibres peut conduire à des troubles gastriques et intestinaux : constipation ou diarrhée.
Elles ont un effet positif d’accélération de la satiété, retardent la sensation de faim, et limitent ainsi le risque de suralimentation, ce qui aide à prévenir l’obésité.“ Source : wikipedia
Je me suis réveillé en pleine nuit à cause d’un gros grillons qui se promenait dans mes cheveux. J’ai réussi à l’attraper. Je suis allé le remettre dans sa boite. Sur le chemin, j’ai croisé une énorme blatte. Je n’ai pas réussi à l’écraser. Je suis alors retourné dans ma moustiquaire. Les moustiques autour faisaient un bruit agressif incessant. Il y en a de plus en plus à cause de toutes mes réserves d’eau stagnantes dans lesquelles ils pondent. Et puis en me focalisant sur le chant des grillons, j’ai réalisé qu’ils venaient de toutes les directions sur la plateforme, tellement il y a de chasseurs cueilleurs. J’ai alors entendu le ricanement d’un gecko.
J’ai l’impression que l’écosystème s’emballe. Pendant la nuit, j’ai mis au point un plan de maîtrise de l’écosystème.