[ENQUÊTE #2] À la rencontre de NeoLoco
Date de publication : 10 juin 2021
Equipe Enquête #2 : Quentin Mateus, Julien Lemaistre, Romane Cadars
Lieu : Montville, Normandie
Et si demain notre société était plus low-tech, à quoi ressembleraient nos organisations dans ce monde plus respectueux des humains et de la Planète ? C’est pour répondre à cette question que le Low-tech Lab a lancé - grâce au soutien de l’ADEME et de la Région Bretagne - une série d’enquêtes de terrain auprès d’initiatives françaises qui incarnent et diffusent localement une démarche low-tech.
La seconde enquête du Low-tech Lab est aujourd’hui disponible. Nous vous emmenons découvrir NeoLoco en Normandie.
A découvrir ci-dessous :
- Une vidéo de 11 minutes présentant NeoLoco, et Solar Fire
- Un podcast / entretien avec Arnaud Crétot, fondateur de NeoLoco et membre de Solar Fire
- L’étude de cas et ses annexes rédigées, téléchargeable en pdf
- Une tribune de Quentin Mateus, coordinateur des Enquêtes du Low-tech Lab, portant sur les clés de réussite et spécificités inspirantes du modèle de NeoLoco
Le podcast #
L’étude de cas #
Le détail de la documentation technique et socio-économique de cette enquête sur l’histoire et le modèle d’organisation de NeoLoco, n’est pour l’instant pas disponible. L’étude de cas sera bien téléchargeable sur cette page une fois les dernières modifications et actualisations opérées. Nous le ferons savoir le moment venu, mais d’ici là :
La tribune #
NeoLoco, un modèle cohérent et inspirant pour le monde de la low-tech et au-delà #
par Quentin Mateus, coordinateur des Enquêtes du Low-tech Lab
Notre rencontre avec Arnaud Crétot, à la fin de l’année 2020, dans le cadre d’une des premières enquêtes du Low-tech Lab, a été l’opportunité pour une partie de l’équipe de découvrir le parcours d’un individu (depuis un voyage étudiant réalisé il y a plus de 10 ans avec les Vagabonds de l’Énergie), le cheminement d’une réflexion collective (partie de plus loin encore), et l’aboutissement en un modèle d’activité innovant et épanoui (celui de NeoLoco porté par la CAE normande SCOP276), qui constitue à ce jour l’un des archétypes de l’entreprenant en quête de sobriété, incarnant à bien des égards une certaine démarche low-tech.
Je tenterais ici de résumer les trois points les plus marquants à mes yeux dans l’exemple de NeoLoco, ses clés de succès et les apprentissages de cette enquête, qui doivent selon moi autant que possible être racontés, transmis et débattus au-delà d’elle-même.
le cœur technique de NeoLoco et de Solar Fire : l’énergie solaire directe #
Tout d’abord le cœur technique de NeoLoco et de Solar Fire : l’énergie solaire directe, rendue disponible, accessible, exploitable, par un concept de four à concentration original, à échelle humaine, simpliste et diablement efficace. C’est en lisant le “Direct Solar Economy Manifesto” d’Eerik Wissenz (Solar Fire), ou encore l’article “The bright future of Solar thermal powered factories” de Kris De Decker (Low-tech Magazine) qu’on perçoit le mieux tout le potentiel technique, social, économique et subversif de cette technologie relativement récente.
Mais concrètement :
- le gros de notre besoin primaire sociétal en énergie (transformation alimentaire, fabrication, chauffage, etc.) est un besoin en chaleur dans des fourchettes de température raisonnables, et la concentration solaire — même à petite échelle — permet déjà d’atteindre ces températures (jusqu’à 350 °C en un peu plus d’1h de chauffe avec les 11 m² de miroir du four d’Arnaud ; aujourd’hui on parle de fours, de torréfaction, de séchoirs, mais demain on peut imaginer faire bouillir de la vapeur et transformer simplement cette énergie thermique en énergie mécanique pour alimenter tout un tas d’autres applications,
- en rendant possible une utilisation de cette énergie décentralisée, peu coûteuse (à l’investissement limité et vite rentabilisé), et (relativement) abondante, le modèle original de four à concentration dont il est question démocratise l’énergie solaire directe, et permet à chaque nouvel.le usager.e, non seulement de répondre à une partie de ses besoins — d’être en ce sens plus autonome et plus libre —, mais également de produire de la valeur localement, de générer des revenus, et ainsi de s’autonomiser économiquement ; et c’est tout l’exemple du modèle de NeoLoco qu’Arnaud donne à voir ici en France, qui plus est en Normandie, l’une des régions les moins ensoleillées de France,
- finalement, passer à une énergie solaire directe décentralisée et intermittente (autrement dit : abondante localement en absolu mais parfois indisponible, ou limitée) nécessite évidemment de changer notre rapport à l’énergie, notre culture de l’énergie, mais dans la foulée cela peut tout changer : enrayer le besoin d’énergie fossile, d’un réseau électrique, ou de faire du bois pour l’alimentation — ou le chauffage —, c’est lever nos dépendances à un système énergétique souvent mortifère, réduire les inégalités, réouvrir des choix de vie possibles, la façon que nous avons de nous organiser collectivement, d’habiter le territoire en conséquence, de cultiver et de transformer nos aliments, etc.
La sobriété énergétique est avant tout un problème social et culturel #
C’est d’ailleurs, ensuite, l’un des principaux constats d’Arnaud : la sobriété énergétique est avant tout un problème social et culturel bien plus qu’une question technique, d’isolation thermique du bâtiment, de passage aux énergies renouvelables, de sacrifice, etc. En effet, au cours de ses voyages autant que de ses expériences professionnelles il réalise que si l’enjeu énergétique du siècle post bulle fossile et matérielle, est la sobriété, l’économie, la réduction de la consommation, il s’agit en réalité de changer de comportements, de références, de modèles ou de représentations énergétiques. Il est convaincu qu’il vaut mieux s’attaquer dès aujourd’hui à cela, en premier lieu par l’exemple qu’il donne à voir avec NeoLoco et ses produits, plutôt que de s’attarder à mesurer, identifier les leviers d’une possible réduction, imposer des normes pour remplacer les systèmes actuels par des plus performants, etc. Car une fois basculés dans d’autres rapports à l’énergie, “tout le reste suivra, les systèmes, les lois, les formations, etc.”. Et pour cela il faut une stratégie et un cadre clair, une éthique du faire, une philosophie de l’action, qui soient suffisamment opérationnels pour rendre possible l’advenue d’un modèle énergétique aussi subversif dans le temps imparti de l’urgence climatique et sociale, sans en perdre l’essence ou l’âme en chemin.
Défricher un nouveau champ des possibles piloté par l’impact sociétal, en réinventant autant le métier d’artisan que celui de chercheur #
C’est la troisième spécificité de l’exemple de NeoLoco. Le caractère pionnier de l’activité d’artisan-boulanger-torréfacteur d’Arnaud d’un côté, et son profil scientifique de l’autre, l’amène à défricher un nouveau champ des possibles piloté par l’impact sociétal, en réinventant autant le métier d’artisan que celui de chercheur. Car depuis plusieurs années qu’il développe son modèle d’activité, Arnaud a notamment appris à se servir de cette outil inhabituel qu’est le four solaire à concentration, mais il s’est avant ça et avant tout réapproprié de façon rigoureuse, progressive et empirique les connaissances et pratiques (scientifiques, techniques, artisanales, organisationnelles, etc.) qui lui permettent aujourd’hui de maîtriser ce qu’il fait, de produire des produits de qualité, de préserver sa qualité de vie, d’être rentable et d’aller vers toujours plus de sobriété et d’autonomie (soutien à la relocalisation de filières de production de graines normandes, mutualisation du four solaire, livraisons de proximité à vélo, développement de nouvel équipement solaire pour remplacer ce qui reste à gaz ou électrique dans son atelier, etc.). Il donne ainsi à voir un modèle d’activité surprenant mais désirable !
Il a procédé de façon empirique, itérative, et convaincue ; souvent enclin aux compromis (temporaires), ainsi qu’au lâché-prise que nécessite la coopération (avec ses fournisseurs, ses fabricants, ses clients, etc.), mais rarement en proie à l’abandon, de son projet ou des idéaux et objectifs initiaux que sont ceux de Solar Fire. Dans les faits, il met en œuvre au quotidien une expérimentation in situ, à la fois technique, scientifique, culinaire, sociale et économique la plus cohérente possible — comme un laboratoire de changement de société à ciel ouvert — et à toutes les échelles, qui aboutit, chemin faisant à une démonstration pragmatique qu’il est “possible de faire différemment”. Ainsi qu’à la perspective de permettre à d’autres de suivre son exemple pour en faire de même. Il est en effet question d’imaginer une façon cohérente et réaliste d’essaimer, qui garantisse ou au moins facilite l’accessibilité technique et financière à l’énergie solaire directe, ainsi que la viabilité économique et finalement un certain succès aux candidat.es intéressé.es.
Aujourd’hui Solar Fire France rassemble des compétences et des aspirations variées, propose la fabrication française (près du Havre) et sur commande de fours solaires à concentration du même type que celui de NeoLoco, et développe l’accompagnement de futurs artisans solaires.
Quant à Solar Fire Concentration, l’équipe continue d’explorer diverses modalités de diffusion de cette technologie appropriable et émancipatrice (devis sur commande, liasse de plans pour auto-construction, location à la journée, programmes éducatifs, etc.) ; plus d’information sur le site de Lytefire qui rassemble toutes ces informations.